mardi 6 octobre 2020

Des lectures au coin du feu

Les lectrices passionnées de l'ALC Lettres vous recommandent pour vos soirées au coin du feu leurs coups de cœur de leur "année Caraïbes".

Depuis la rentrée de septembre, masquées, distanciées mais toujours aussi partantes, elles sillonnent la Grande Bretagne, Brexit oblige !


Biguine Blues (Prix RFO du livre 2000) de Roland Brival (Martinique)



Théodore Bougainville est un vieux chanteur de « bel-air » qui quitte sa cabane pour s’en aller mourir. En route il rencontrera Djana et Augustin, deux jeunes amoureux en fuite. 

Il les aidera à apprendre « le métier de vivre », et eux l’aideront à affronter sa vieillesse.

Sagesse et grains de folie tout à la fois. Beaucoup d’humanité traverse ce livre.

Aleth

 

 

 

 

 

 

L'énigme du retour (Prix Médicis 2009) de Dany Laferrière (Haïti)


 

 

Nostalgique, poétique et envoûtant, un livre magnifique sur l'exil et la sagesse du peuple de Haïti qui, en dépit de la dureté des épreuves, a su garder espoir.

Une œuvre fascinante, bouleversante et forte.

Réjane

 

 

 

 

 

 

 

Fleurs de barbarie de Gisèle Pineau (Guadeloupe)


 

 

« Je savais que j'étais née en Guadeloupe et que j'étais arrivée à l'âge de quatre ans chez Tata Michelle. J'en avais neuf, cette année-là où ma mère s'était présentée à la ferme avec sa lettre officielle qui l'autorisait à me reprendre. »

En 1984, venant du fin fond de la Sarthe, Josette débarque en Guadeloupe, à Marie-Galante. Laissée à la garde de Théodora, sa grand-mère, elle découvre un nouveau monde.

Elle grandit, en quête d’identité, et part à la recherche de ses racines…

Une écriture alerte, une histoire qui se lit bien.

Aleth

 

 

 

 

Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain (1907-1944) (Haïti)


C’est un livre magnifique, chant d’amour pour la vie, même si c’est une vie misérable dans un village ravagé par la sécheresse depuis que la source qui l’alimentait est tarie, divisé aussi par la haine qui divise ses habitants en deux clans rivaux.

Ce beau livre écrit dans une langue qui mêle le français et le créole se lit comme un poème sur les pas de Manuel qui regagne son village après dix années d’exil à Cuba. Guidé par un vol de ramiers, il va chercher une nouvelle source et tout tenter pour unir les « cousins ennemis » pour qu’ensemble ils la captent et redonnent vie à leur village. Mais Manuel devra compter avec la jalousie de Gervilien amoureux comme lui de la belle Annaïsse.

Jacques Roumain a terminé ce livre édité ensuite à titre posthume en 1944, avant de mourir en Haïti à 37 ans.

Cette histoire m’a beaucoup touchée et je la relirai car elle n’a pas fini de me délivrer son message de paix et d’union contre l’adversité. C’est une parabole dont j’ai encore à découvrir la profonde richesse.

Marguerite.

 

Traversée de la mangrove de Maryse Condé (Guadeloupe)


 

 

 

En Guadeloupe un homme est mort…

Il était arrivé ici. D’où venait-il ? Qui était-il ?

Chacun l’a connu et en parle.

Nous ne saurons rien de lui sauf que c’était un honnête homme, un type bien et je me suis laissée porter par son charme.

Josiane

 

 

 

 

Le royaume de ce monde (1949) d’Alejo Carpentier (Cuba)


C’est un court roman historique qui relate les évènements majeurs et souvent tragiques de l’histoire de l’Indépendance d’Haïti.

Le héros, Ti Noël est l’un des très nombreux esclaves noirs du colon français Lenormand de Mézy, propriétaire d’un immense et richissime domaine agricole situé au Nord de cette île qu’on appelait alors Saint Domingue.

Ti Noël accompagne le lecteur et lui fait découvrir, à travers le récit de sa vie rude et violente, d’abord la première grande rébellion noire dirigée par l’esclave marron Mackandal, puis en 1791 la Révolte du Bois Caïman emmenée par Dutty Buckman, qui conduira à la Révolution haïtienne. Bientôt, en 1804, Haïti gagnera son indépendance, et deviendra alors la première république noire du monde.

Ti Noël, sur ses vieux jours, pourra-t-il enfin bénéficier d’un peu de paix et de liberté nouvelles? Le lecteur voudrait l’espérer mais déjà le roi auto-proclamé Henry Christophe, fantasque et despotique arrive au pouvoir…

Ce roman permet une approche simple de l’histoire d’Haïti. Une recherche documentaire en parallèle pourra apporter des précisions indispensables à la compréhension de l’histoire complexe de cette ancienne colonie française et de ses héros de l’Indépendance.



Brigitte





Tétralogie " Les quatre saisons " de Leonardo Padura (Cuba)
 
 
Quatre tomes qui racontent les enquêtes de Mario Condé, brillant lieutenant que l'on vient chercher chaque fois qu'une enquête se montre sensible. Nous sommes à Cuba, dans la capitale La Havane dans les années 1990.

Quatre romans policiers dont les dénouements d'enquête sont moins importants que l'analyse d'un milieu de la Havane.

Passé parfait

Le lieutenant enquête sur la disparition du directeur d'une grosse entreprise. Le directeur en question n'est autre que l'ancien camarade de lycée de Condé et l'époux de la femme dont Condé était (est) toujours amoureux. Corruption du monde des affaires.

Vents de carême

Meurtre d'une jeune enseignante : arrivisme, trafic d'influence, fraudes et milieu de la drogue.

Electre à La Havane

Certainement le roman le plus engagé politiquement. Analyse des erreurs du régime, politique de la culture qui exerce une castration artistique et une politique homophobe.

Automne à Cuba

Corruption de la police. Point de rupture vers la nouvelle vie du lieutenant Mario Condé. Après le départ de son chef estimé, il songe à quitter la police pour devenir ce qu'il a toujours rêvé d'être : écrivain.


Leonardo Padura nous emmène dans les rues de la capitale cubaine, belle, moite, décadente et dans le quartier populaire de son enfance, loin des clichés touristiques.

Il est tendre lorsqu'il s'agit d'évoquer la vie de quartier, les habitants résignés face aux privations et aux tickets de rationnements, les amis fidèles, ceux qui comme lui sont restés. Il est féroce quand il fustige l'hypocrisie d'un système corrompu, cette " après révolution" qui n'offre rien à cette génération " cachée" qui n'a connu que le revers de la médaille révolutionnaire.

A travers le personnage du lieutenant désabusé mais lucide, Léonardo Padura nous livre son regard sur son pays écrasé par des décennies de dictature, pays qu'il aime et qu'il n'a pas quitté.

J'ai trouvé très attachant et humain Mario Condé, amoureux de la bonne chair, du rhum, fidèles à ces amis, éternel amoureux insatisfait. Bref, très latin.

Ma préférence va aux deux derniers tomes Electre à La Havane parce que l'auteur s'engage clairement pour dénoncer un régime qui condamne l'expression artistique et ostracise l'homophobie et Automne à Cuba parce que Mario Condé se livre davantage et nous confie ses déchirements intérieurs.

Astrid



Texaco de Patrick Chamoiseau (Martinique)




« Une câpresse de lutte haute, impériale, dont les rides rayonnaient de puissance ». C’est ainsi que le Marqueur de Parole décrit Marie-Sophie Laborieux, dont il tentera de « réorganiser la foisonnante parole » depuis le temps des origines et de l’esclavage, jusqu’au combat pour implanter Texaco, érigée de haute lutte face à l’En-Ville « cette solitude émiettée (…), cette indifférence policée ».



 
 
 
Texaco, un magnifique portrait de femme-matador ; mais avant tout un style éblouissant, nourri de créole, inventif, poétique, inégalé. Un chef d’œuvre.

Nicole